La plage. Qui ne rêve pas de la plage. Je suis retournée à la plage cette fin de semaine, et jai revu la mer. Ça faisait trois ans que je n'avais pas vu la plage. Mais ma plage n'étais pas une plage comme les autres. Loin de moi l'eau turquoise, le soleil caramélisant, le sable blanc. Ma plage était une plage d'arsenic. Voici une définition de l'arsenic:
"Élément chimique de couleur gris acier, que l'on rencontre sous forme de sulfure pour durcir les métaux."
ou, plus concrètement,
"De nombreuses études ont démontré les propriétés cancérigènes de l'arsenic, fort utilisé en médecine allopathique et en agriculture. L'arsenic est surtout connu pour causer le cancer de la peau et des poumons. Il est probable que l'arsenic déposé sur les feuilles de tabac soit un des principaux agents cancérigènes des cigarettes et cigares."
Ma plage était terne, ininvitante, cancérigène, dangereuse et laissait, derrière ses napes d'eau grise, des traces de contamination évidente. J'étais dans le village d'El Transito, un village de pêcheurs pauvres, et majoritairement alcooliques. Aucun touriste, aucun hôtel. Pourtant, El Transito est la plage la plus près de Managua, la capitale. Pourquoi alors n'y a-t-il personne? La réponse est assez évidente. Qui voudrait aller se délier l'esprit, couché sur du sable noir? Moi, on dirait, puisque je n'avais pas trop le choix. Sans en avoir la certitude, je me dis que cette pollution apparente qui traque le pueblo d'El Transito (pollution dont nous sommes tous responsables, je dois dire) est un coup de matraque majeur pour leur économie. Ils ont tout le nécessaire afin de développer un marché touristique et aider les familles à survivre. Chaque matin, les hommes partent à 5h pour affronter les caprices de la mer, à la recherche de raies, et de poissons divers, pour la vente soit à Managua ou dans les petits marchés des environs. Puis, en après-midi, c'est autour d'une table de billard vieillie par le temps que les hommes se rencontrent et alignent les bouteilles de bières. Chaque jour.
Ici, on se lave avec l'eau de pluie. On cueille les fruits dans les arbres. On mange du poisson frais chaque jour. Quel paradis, dirons certains. N'est-ce pas ce que tout homme cherche, une forme d'auto-suffisance? Un relais entre l'Homme et la nature? Oui, certes, mais eux ne le font pas par choix. Ils le font par pauvreté.
Je me demandais pourquoi les riches cherchaient un allez simple vers la plage, les caraïbes. Pourquoi toujours ce retour aux sources? Car le monde se forme à partir du soleil, de l'eau et de la terre, non? À la plage, c'est le minimum: la nature et soi-même. Le souffle constant du vent, le crescendo des vagues. Pourquoi n'y a-t-il personne sur ma plage d'arsenic? Pourquoi suis-je seule avec ma hermana Glery a me baigner dans deux kilomètres de plage et de mer? Et, pourquoi y a-t-il cette mousse jaunâtre qui flotte par-ci par-là autour de moi sur ma plage? Contamination, on me répond. Contamination. Mais, le sel devrait éliminer tout, me répond-on toujours. Qui veille à ce que cette mer d'arsenic n'élimine pas tranquillement les pêcheurs qui n'ont d'autre choix que de se lever chaque matin et de marcher pieds nus sur ce sable empoisonné? Personne, croyez-moi.
Au bout de toute cette prise de conscience, je me demandais pourquoi je n'arrivais pas à relaxer sur cette plage. Conditionnement américanisé, que je me dis. Je ne suis pas arrivée à une plage-carte-postale. Mais le déconditionnement est difficile. Prendre conscience d'ou on est vraiment relève parfois du surnaturel. En tant qu'organisme cellulaire à part entière appartenent à cette planète, je me sentais conçernée par tant d'inhumanité.
Au bout de toute cette histoire, je voulais faire une demande spéciale pour ceux qui lisent mon blog. Combien êtes-vous, au fait? Un, diz, cent? J'ai pourtant plein de choses à dire, et combien pour les écouter?
Alors, cette demande spéciale serait un don volontaire (10$ suggéré) car la grand-mère de ma famille est malade et doit se faire opérer d'ici deux semaines. Nous, Québécois, qui sommes habitués à un système médical gratuit, sachez qu'ici son opération coûte 1300$US. Je vis dans uen famille pauvre, comme beaucoup ici, et la grand-mère, Petronila (affectueusement, Nila), doit en plus subvenir entièrement aux besoin d'une de ses petites-filles car ses parents sont partis aux États-Unis pour trouver du travail (comme beaucoup ici, aussi). Enfin, si jamais le coeur vous en dit, vous pouvez envoyer vos dons rapidement au
1702 des Roses
Sherbrooke, Qc
Canada
J1E 4E4
Ma mère se chargera de déposer l'argent dans mon compte et moi de les retirer d'ici pour les remettre à la famille. Merci d'avance pour les donnateurs!
Aussi, pour ceux qui ont donné des crayons et livres pour les enfants du Nicaragua, sachez que j'irai leur remettre dans une école de village d'ici deux semaines, et que je vous enverrai des photos dans vos boîtes de courrier électronique respectives. Merci aussi pour ces dons, c'est très apprécié. Si jamais d'autres personnes veulent envoyer des crayons, sachez que je suis toujours disponible à en recevoir.
Sur ce, je vous souhaite une excellente journée.
Homme découpant une raie fraîchement pêchée.